Nuit agitée. J’ai rêvé d’instruments de torture et de meurtriers; R. en revanche rêve de Frédéric le Grand qu’il voit approcher avec son état-major, coiffé d’un chapeau étrange composé de deux ailes; nous sommes sur une colline, il veut monter vers nous, nous l’aidons et il demande: où est donc votre mari avec sa plume blanche au chapeau? II désigne par là le voyageur dont lui a parlé R.; en le faisant monter, R. s’aperçoit que le tissu de ses vêtements (bleus) est tout neuf; il se réveille en riant. —
Nous pensons au retour de notre voyage en Italie*, aux inondations dans le Tessin et nous nous étonnons que Fidi soit si bien venu au monde après ces efforts extraordinaires, ces rhumes au début de ma grossesse. Quelle belle et sainte époque que celle que nous vécûmes à Tribschen jusqu’à ces matins ensoleillés avec nos deux filles. « Il ne pouvait venir au monde qu’un être adorable, un être libre », dit R. – Cela vous donne un sentiment de confiance religieuse. —

Inondations en Suisse
Hier au soir, il m’a parlé de l’impression que lui avait faite la chanson du portier dans Macbeth lors d’une représentation à Dresde et que Schiller avait bien ressentie, même si l’humour de Shakespeare est quelque chose de très différent; cela nous amène à parler de la scène de la mort apparente de Juliette; R. nous la lit et nous nous étonnons l’un et l’autre du regard qui est ainsi jeté sur le monde. Lorenzo sait ce qu’est l’illusion, il joue pour ainsi dire, il parle avec gravité et profondeur le langage de la vérité, les autres disent leurs malheurs d’une voix de fausset et ils croient à la mort, c’est cette illusion qui donne à l’ensemble une atmosphère de réconciliation musicale et le scherzo de la conversation des musiciens qui a lieu ensuite ne nous blesse pas. —
Un monsieur Böhme écrit une lettre impertinente à R. parce que celui-ci n’a pas répondu immédiatement au sujet du manuscrit qu’il lui avait envoyé.
– M. Beta nous prédit l’avènement de la cacocratie**. — Le serment est aboli et notre prince mène maintenant des relations directes avec les délégués de la social-démocratie; c’est joli! — R. met son Siegfried en route. Dépêche peu claire de Richter au sujet du concert à Vienne. Le soir, nous lisons Gfrörer (deuxième tome) avec grand intérêt; je comprends de moins en moins les hommes qui laissent dépérir le trésor de la révélation.
*Allusion au voyage de Cosima et de R. W, du 14 sept. au 5 oct. 1868 dans le Tessin.
**Gouvernement des a » mauvais «.