R. m’a déclaré hier que, maintenant qu’il m’a conquise après sa vie » en haillons », il est certain de vivre extraordinairement vieux et qu’il faudra pratiquer sur nous l’euthanasie pour que nous mourrions sur le sofa de son cabinet de travail qu’il a installé à cet effet. « Que je t’aie conquisel, s’écrie-t-il quand je le rejoins ce matin dans la salle, tu es la seule qui pouvait me convenir, grande et enfantine, maintenant je veux vivre très très vieux. » Le ciel le bénisse! Il affirme qu’un tel bonheur n’a encore jamais existé et n’existera plus jamais, je le crois, dans la mesure où il n’existera pas d’autre Richard Wagner!
Le soir, il me chante Sei mir gegrüsst! qu’il estime être le plus beau Lied de Schubert pour ce qui est du sentiment et de l’achèvement artistique; ce Lied nous émeut aux larmes, c’est allemand, si pur, si chaste, si profond… R. se souvient l’avoir entendu pour la première fois chanté par sa sœur Rosalie. –

Rosalie Wagner
(Gustav Kühne)
Nous lisons Gfrörer. Au moment où nous allons nous coucher, R. chante l’air « file, Marguerite », de la Dame Blanche et me dit: le propre des Français a été une résignation gracieuse, la faculté de glisser avec un sourire mélancolique et en employant des formes charmantes au-dessus des misères de l’existence. Ils sont odieux dans l’éloquence tragique.
[1] Oper »Die weiße Dame« von Boildieu.